FLUIDITÉS

05.02.2022
24.04.2022

En résonance avec les débats de société contemporains, les artistes créent et nous invitent à porter de nouvelles réflexions. Au travers de leurs regards, ce sont de nouvelles perspectives sur le monde qui s’ouvrent à nous.

L’histoire de l’art moderne et contemporain, longtemps focalisée sur l’Occident et le travail des seuls artistes blancs, est traversée depuis quelques années par une crise d’identité. Au 21e siècle, plusieurs grands défis touchent les musées. Il convient notamment d’opérer un décentrage du récit et d’offrir un programme d’expositions plus inclusif. C’est ce que nous nous appliquons à faire au MBAL. Après avoir proposé une programmation 100% féminine, nous poursuivons ici notre exploration artistique autour de la question du genre et exposons des travaux contemporains qui remettent en question l’ethnocentrisme occidental.

Nos expositions se penchent sur le thème de la fluidité des corps, des identités et de la nature en offrant ses espaces aux étudiant·e·x·s de l’ECAL (rez-de-chaussée), aux artistes Erwan Frotin (2e étage) et Namsa Leuba (3e étage) ainsi qu’au groupe de photographes appartenant à The New Black Vanguard(1er et 2e étages). La programmation réunit un ensemble de créatrices et de créateurs remarquables issus notamment de Suisse, des États-Unis, d’Afrique du Sud, du Nigeria et d’Éthiopie. Conçu par le curateur Antwaun Sargent et mis en œuvre par la Fondation Aperture à New York, The New Black Vanguard est un projet hors norme. Cette exposition montre qu’il est capital de rendre compte de l’émancipation des artistes noirs. Le projet a pour ambition d’exposer une nouvelle génération de photographes travaillant dans des contextes très différents, de Johannesburg à New York, en passant par Lagos et Londres, et faisant parfois œuvre d’activistes. L’exposition met l’humain au centre de son propos et déjoue les stéréotypes subis depuis longtemps par les Noir·e·x·s. La beauté ne se résume pas à un standard universel unique, nous rappelle l’artiste Nadine Ijewere. Comme celles d’Erwan Frotin ou de Namsa Leuba, la plupart des images de The New Black Vanguard ont été publiées dans des revues de mode ou des magazines branchés, qui les premiers ont donné à voir d’autres types de représentations. Cette génération publie également beaucoup sur les réseaux sociaux sans attendre la validation de professionnels. Alors même que les photographies produites pour le monde de la mode sont souvent aliénantes dans leur façon de représenter les corps, ces artistes nous montrent qu’il est possible d’aller plus loin, de dépasser l’eurocentrisme en montrant plus de diversités et en redéfinissant les canons de beauté.

La génération d’artistes exposée au MBAL est la caisse de résonance de ces agents du changement qui bousculent les codes contemporains. Au-delà de leurs couleurs de peau, il faut retenir leur appartenance à une même époque et leur volonté de défendre une cause commune : appréhender le monde dans sa multiplicité et enrichir les imaginaires, ceci malgré les crises que traversent nos sociétés. Depuis toujours, les artistes jouent un rôle clé dans la création d’un futur désirable. L’art est un vecteur du changement social et politique. En abordant frontalement les questions touchant à l’identité, au genre et à la race, les œuvres exposées sont un plaidoyer pour l’ouverture à l’autre et une invitation à transcender les stéréotypes.

Nathalie Herschdorfer